Vous en avez sûrement déjà entendu parler : le Bullet Journal ou BuJo. Ou l’art de mêler loisirs créatifs avec la fonctionnalité d’un agenda. Pour tous les néophytes qui ne « bujotent » pas encore, rencontre avec Elodie du blog Soho Hana, « bujoteuse » de la première heure.

 

Elodie, pourriez-vous donner une définition simple du Bullet Journal et de la façon dont cette tendance est née ?

Le Bullet Journal est un concept inventé par Ryder Carroll (www.bulletjournal.com), designer new-yorkais. Il définit lui-même cet outil comme un carnet dans lequel on écrit tout ce dont on a besoin, que ce soient des to do lists (NDLR, listes des choses à faire), des dessins, des notes… Non seulement il s’agit d’un système d’organisation sur-mesure, s’adaptant à chaque personne qui l’utilise. Mais il est aussi capable d’évoluer en fonction de celle-ci.

 

Quel est le matériel de base pour commencer à tenir un Bullet Journal ?

Ryder Carroll a créé un carnet spécifiquement dédié au BuJo, le Leuchtturm1917, au format A5 avec trame à pointillés. À celles et ceux qui veulent se lancer, je conseille simplement d’avoir un carnet, n’importe lequel, même s’il a déjà été utilisé auparavant, et un crayon. Ensuite, le choix appartient à chacun.

En effet, même si on privilégie le format A5, j’évolue actuellement sur un format B6, légèrement plus petit. Quant à la trame à pointillés, elle est extrêmement pratique : non seulement elle permet de guider l’écriture, mais une fois la page remplie, la trame a presque disparu.

D’autres personnes vont choisir des pages lignées ou à petits carreaux, sans lesquelles elles n’arrivent pas à guider correctement leurs crayons.

 

Les personnes qui tiennent un BuJo attestent que cela permet de simplifier et d’optimiser le quotidien, et finalement de gagner du temps. Pourtant, on se dit que le fait même de tenir un Bullet Journal est chronophage, non ?

Les qualités du Bullet Journal tiennent vraiment dans son système d’organisation. Pour simplifier, si vous allez faire vos courses, deux choix s’offrent à vous. Le premier, entrer dans le magasin, remplir votre chariot de tête, en essayant de ne rien oublier ou en parcourant tous les rayons. Le second, préparer à l’avance votre liste de courses. Vous aurez l’impression qu’écrire la liste vous fait perdre du temps sur le moment. Par contre, dès que vous serez dans le supermarché, vous saurez exactement quels produits prendre, où aller, et vous ne commettrez pas d’oubli.

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© Soho Hana

Le Bullet Journal aide à préparer votre journée, à organiser votre quotidien, et finalement vous permet d’optimiser votre temps. Tout est contenu dans un seul et même carnet : agenda, mémos, listes des choses à faire… A la base, le BuJo est un système de planning avec des calendriers pour la gestion des rendez-vous, des événements, des anniversaires. Mais les prises de notes constituent une dimension importante du carnet avec des listes (de tâches, de courses, de livres à lire, de films à regarder, d’idées cadeaux pour vos proches), les mêmes que vous avez l’habitude d’accrocher sur votre réfrigérateur ou de laisser sur votre bureau. L’avantage est que vous l’avez toujours sur vous pour le consulter ou le compléter.

 

Peut-on coupler les dimensions personnelles et professionnelles dans un seul et même carnet ?

Tout dépend là encore du choix de chacun. Certains préfèrent un seul BuJo, s’ils ont des difficultés à faire des allers et retours entre deux carnets. D’autres utilisent deux carnets, pour vraiment faire une séparation, un distinguo, entre vie privée et vie professionnelle.

D’un point de vue personnel, lorsque j’étais salariée, je n’avais pas envie que mes collègues puissent voir mes notes ou mes rendez-vous privés quand j’étais en réunion. Puis, lorsque j’ai débuté mon blog (www.sohohana.com), j’avais un carnet spécifiquement dédié à sa gestion, et un carnet dédié à ma vie privée. Mais je me suis vite rendu compte que cela devenait difficile de gérer deux carnets, et j’ai donc intégré le blog dans mon BuJo personnel. Peut-être que d’ici quelques mois, je reviendrai à deux carnets distincts, qui sait ? C’est là un avantage certain de cette méthode : rien n’est figé.

 

En regardant quelques photos de Bullet Journal sur internet, on peut se demander si des compétences artistiques sont nécessaires avant de réaliser son propre carnet ?

Pas du tout. En visitant le site officiel du Bullet Journal, on réalise que le système tel qu’il a été pensé et créé est extrêmement simple et sobre. Ensuite, si une personne a un côté créatif, elle peut utiliser son temps libre pour intégrer des dessins, des mandalas, afin d’embellir son carnet. Ce n’est pas une obligation, pas plus que la calligraphie de certains titres de pages. Il ne faut pas se freiner ni craindre de mal faire, tout est question d’envie, mais aussi d’entraînement. D’ailleurs, une page peut être très esthétique avec uniquement une écriture soignée.

 

Quelles sont les différences notables entre un agenda classique et un Bullet Journal ?

L’agenda classique comporte généralement douze mois pré-imprimés, dont les pages identiques sont remplies au fur et à mesure, donnant un aspect figé. L’avantage du Bullet Journal est d’avoir un espace vierge à chaque fois que vous tournez la page, et vous pouvez donc l’utiliser à votre convenance.

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© Soho Hana

En reprenant mon exemple personnel, toutes les semaines je crée une page qui visualise l’ensemble des jours à venir pour m’organiser. Je modifie cette vue hebdomadaire presque chaque semaine : en intégrant une to do list qui était absente la semaine précédente ou une vue calendaire dont je vais avoir besoin. Des changements seront aussi visibles selon que je suis en vacances ou non. Dans ce cas, je fais souvent l’impasse sur la liste de tâches, au profit de souvenirs, de visites, et mon BuJo prend alors des allures de carnet de bord. La méthode s’adapte au rythme de nos vies, que ce soit à court ou à long terme.

Je suis passée de l’agenda classique au Bullet Journal parce qu’il m’arrivait souvent de ne pas remplir ses pages pendant une ou deux semaines. Ensuite, je n’avais plus envie de l’utiliser, les semaines « blanches » ayant un effet rébarbatif. Avec le BuJo, si on décide de le mettre de côté pendant quinze jours, on peut très bien le reprendre ensuite là où on s’est arrêté : aucune page ne restera vierge étant donné qu’on construit le carnet quasiment au jour le jour.

 

Prenons l’exemple d’une personne très organisée qui note tout ce qu’elle a à accomplir dans son agenda. Pour vous, optimisera-t-elle encore mieux son temps si elle passe au BuJo ? Ou conseillez-vous ce type d’agenda aux personnes désorganisées ou à tendance « lunaire » ?

Le mieux reste de tester la méthode. Si la personne a l’habitude d’utiliser un agenda classique et que cela lui convient, tant en terme d’organisation que d’efficacité, l’intérêt de passer à la méthode est sans doute limité. Cependant, elle pourra peut-être découvrir d’autres avantages au système du BuJo si elle décide de l’essayer quelque temps. Même si le « besoin » de passer d’une technique à une autre n’est pas présent, la personne peut trouver le Bullet Journal plus plaisant à remplir. Mais d’un autre côté, comme il faut tout écrire à la main et retracer ses plannings régulièrement, l’agenda classique pourra finalement mieux convenir à cette personne de ce point de vue-là.

 

A votre sens, qu’est-ce qui fait le succès du BuJo ces derniers mois ?

Je suis le phénomène en France depuis ses tout débuts, ayant commencé mon premier carnet en 2014. Très peu de blogs français parlaient de la méthode. Le phénomène s’est diffusé progressivement via la blogosphère, avant d’être relayé par des médias. Un soir, un reportage très court s’est intéressé au Bullet Journal dans un journal télévisé. Après cela, j’ai vu les statistiques de mon site internet augmenter en flèche !

Le phénomène a continué de prendre de l’ampleur avec le bouche à oreille et les réseaux sociaux. La méthode s’adaptant à chacun, beaucoup de gens ont compris leur intérêt à l’utiliser. Ensuite, ils ont envie de montrer et de partager les pages de leurs propres carnets.

Les maisons d’édition ont commencé à s’intéresser à ce courant qui naissait en 2016. Ce qui explique les nombreuses parutions qui sont arrivées dans les librairies cette année-là ainsi qu’en 2017.

 

Un conseil à donner à une bujoteuse ou un bujoteur qui débute ?

Si je dois donner un seul conseil, c’est de commencer par la méthode de base pour voir si elle vous convient. On peut s’effrayer lorsqu’on commence et qu’on voit toutes les photos de réalisations qui circulent sur internet. Ce n’est pas la peine de se lancer en voulant acheter tout de suite du matériel pour faire de jolies pages décorées. Il vaut mieux tester la méthode de base, carnet et crayon, pendant un ou deux mois. Si le carnet n’est pas neuf, tant pis, on fait avec ou on enlève les premières pages. N’oublions pas que tel qu’il a été pensé, le Bullet Journal n’est pas un intermède créatif, mais une méthode d’organisation…

 

Le sujet vous a plu et vous souhaitez l’approfondir ? Retrouvez tous les conseils d’Elodie sur son blog (www.sohohana.com) ou dans son livre Bullet Révolution. Vous y découvrirez pas à pas comment créer un carnet combinant agenda et mémo qui vous ressemble. Une activité de développement personnel qui saura vous séduire…

Elodie (Soho Hana), Bullet Révolution, Dunod Editions, 2017, 192 pages, 12.90€

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